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La personnalisation prive-t-elle les clients de leur libre arbitre ?
Cet article fait suite à la précédente publication “Reconnaissance faciale : le nouveau Graal de la conversion ?” et à notre récente participation au Adobe CXM Space.
Histoire de vacances
Pendant les vacances de la Toussaint, je suis parti une semaine crapahuter en VTT dans les vallons du Lot, pas loin de Rocamadour (pour ceux qui connaissent).
Faire du vélo dans la nature est toujours pour moi un intense moment de plaisir et de ressourcement. Je n’adore rien tant que de rouler silencieusement à travers les bois, le long d’un petit ruisseau ou sur le sommet d’un coteau, et regarder le soleil se lever à l’horizon, dans une brume chamarrée d’ocres et d’ors. Plaisir amplifié cette fois là, par l’usage pour la première fois d’un VTT électrique.
Je ne sais pas si vous en avez déjà fait l’essai, mais si vous connaissez les plaisirs du VTT tout court, alors ceux du VTT électrique vous paraitront divins. Ça n’est presque plus le même sport, tant le moteur vous donne de puissance et de facilité, même dans les pires côtes caillouteuse du Causse du Lot.
Mais, problème, ça n’était pas mon VTT électrique, mais celui prêté par mon frère. De retour dans mon plat pays du Nord, je n’avais plus qu’une idée en tête : m’acheter un VTT électrique !!! Il m’en fallait un : ABSOLUMENT !
Avec Internet, l’avantage, c’est qu’on accès immédiatement à une offre pléthorique.
Des VTT électriques, il y en avait “en veux-tu, en voilà !” Après avoir parcouru quelques sites, j’en avais déjà compté des dizaines, voire des centaines, tous plus beaux les uns que les autres, tous plus mystérieux les uns que les autres (je parle des VTT, pas des sites). Et très vite, je me retrouvai en face du dilemme classique de l’homo consomatus moderne : quand il y a trop de choix, on n’arrive plus à choisir !
Il faut dire que je n’étais pas aidé. La plupart des sites proposant des VTT n’ont pas de filtres adéquats ou suffisamment guidant, permettant d’arriver à affiner correctement son choix.
Très vite, le désespoir me gagna. Je n’y comprenais rien. Quel moteur choisir ? Fallait-il prendre un cadre classique ou tout suspendu ? Et la fourche, quelle fourche me fallait-il ?
“Apprendre à choisir est difficile. Apprendre à bien choisir est plus difficile. Et apprendre à bien choisir dans un monde de possibilités illimitées est encore plus difficile, peut-être trop difficile” ( de Barry Schwartz, traduit de l’anglais)
Bref, impossible de me faire un avis posé à moins de passer des heures à décortiquer des pages de conseils sur des sites spécialisés et des forums. Peine que je n’ai franchement pas envie de me donner (rappelez-vous notre impatience devant les objets du web, c’est pareil pour moi. Plus de 3mn à tourner en rond me rendent déjà complètement hystérique. Donc, pas question de passer mon temps à perdre mon temps à essayer de comprendre. Il me fallait de l’aide). Ce que je fis en descendant au magasin spécialisé le plus proche où je passai 1h avec un vendeur qui m’expliqua toutes les arcanes du VTT électrique. Une heure ! Un temps long, mais finalement court, quand on y pense, pour être capable de faire un vrai choix parmi une jungle de produits.
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Ce paradoxe du choix, Barry Schwartz, dans son livre éponyme l’avait bien décrit. Devant trop de choix, nous perdons nos moyens. L’abondance tue notre capacité de jugement. Trop, c’est trop. Et il nous faut de l’aide pour pouvoir avancer, sinon, nous mourrons d’inanition devant la corne d’abondance du web.
Mais qu’a à voir la personnalisation là dedans ?
70% de nos choix sont fait par les algorithmes
Selon un chercheur, 70% des vidéos que nous regardons sur Youtube sont dictées par les algorithmes. Et nous en sommes extrêmement satisfaits.
Et c’est la même chose pour Spotify. Dans une bibliothèque de plusieurs millions de morceaux, je ne suis jamais perdu. Chaque semaine, les algorithmes me guident et me conseillent dans ce que je dois écouter. Au contraire, j’en suis très satisfait et je fais entièrement confiance à Spotify.
Et ce ne sont pas les seuls cas. Dans de nombreux domaines, désormais, nous fions inconsciemment nos choix à des algorithmes qui en fonction de critères plus ou moins obscurs définissent nos goûts.
D’après Adobe, 68% des français restent fidèles aux marques qui leur proposent une expérience personnalisée.
Nous y sommes donc : les gens acceptent tout à fait de partager leurs données si les entreprises peuvent leur proposer des parcours et des offres qui leurs correspondent personnellement. Et surtout si cette personnalisation leur permet de s’épargner la peine de devoir choisir.
Car l’essentiel est là : dans une société où l’attention atteint à peine 8s (cf La Civilisation du poisson Rouge), où l’offre est pléthorique, ce que les consommateurs recherchent n’est même plus l’information sur le produit, ils veulent simplement qu’on leur dise quoi consommer, avec juste un choix restreint de produits ou de services.
Cela va de pair avec la simplification des interfaces, dont je parlais l’année dernière. Non pas qu’il faille ôter au client toute possibilité de choisir. Il faut simplement la restreindre à l’essentiel, aux produits qui l’intéressent vraiment, quitte à faire des sacrifices.
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Le cas Netflix
Netflix représente un cas particulier très intéressant à étudier. Et parfois un cas paradoxal. Quand on regarde l’interface TV de Netflix, énormément de films et de séries sont proposées au regard de l’utilisateur. Et la navigation proposée est telle que cette offre semble illimitée. Je ne sais pas si ça vous est déjà arrivé, mais je me suis surpris souvent à surfer sans fin sur Netflix afin de trouver une nouvelle série (souvent sans succès d’ailleurs).
Pourquoi, alors que Netflix est connue pour ses algorithmes de personnalisation, continue-t-elle à inonder l’écran de “jaquettes” de films ? On pourrait croire que cela nuit au choix en proposant trop de choix.
En réalité, Netflix joue sur 2 ressorts de notre psychologie, en proposant à la fois une interface totalement personnalisée, et à la fois une interface surchargée d’offres. Ce qui nous intéresse vraiment est poussé en haut de page et en début de rangée (les fameuses rangées de navigation transversales de Netflix). Et, en réalité, pour l’utilisateur habitué et courant de Netflix, tout est là. Pas besoin d’aller chercher plus loin, car ce qui est plus loin ne l’intéressera pas.
Alors pourquoi proposer le reste ? Justement pour montrer qu’il y a du choix et qu’il est énorme. C’est ce qui fait tout l’attrait de Netflix. On a toujours l’impression qu’il y a quelque chose pour nous, même si ça n’est pas vrai. C’est l’effet de l’abondance perçue. Qui est tout aussi indispensable que de gérer la pertinence de l’affichage en tête de liste des produits (voir Analyse de la stratégie de recommandation de Netflix).
Alors faut-il afficher beaucoup de produits ou pas sur une page liste dans un site ecommerce, par exemple ?
Là encore, Netflix peut nous apporter un début de réponse (via Jen Clinehens).
Il y a quelques années, Netflix avait constaté des difficultés à transformer ses visiteurs en clients et s’était demandée pourquoi.
Sur la page d’accueil du site, il était alors possible de visualiser tout le catalogue ou presque. Lorsqu’une personne non abonnée arrivait sur cette page, elle devait forcément être subjuguée par cette abondance.
C’était vrai, mais cela entraînait un effet secondaire néfaste sur la transformation. Les visiteurs, au lieu de s’inscrire à la plateforme, passaient beaucoup de temps à regarder l’offre, et finissant par se lasser, la quittait sans autre forme de procès.
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Un test A/B fut alors mené pour déterminer s’il fallait afficher le catalogue ou simplement une toute partie de celui-ci à ces visiteurs. La réponse vint rapidement. En n’affichant qu’un tout petit aperçu de celui-ci (pertinemment choisi), les visiteurs s’inscrivaient beaucoup plus. Le fait de n’avoir qu’un petit nombre de séries à l’écran ne les dispersait pas dans une navigation sans fin, et ils pouvaient revenir rapidement à l’essentiel, à savoir, l’inscription à la plateforme, ce qu’ils désiraient de toute façon.
L’hyperpersonnalisation
Les années qui viennent devraient voir la généralisation des techniques de personnalisation. Ne pas aider l’internaute à choisir, c’est le condamner à mourir de frustration devant le trop plein d’offres et d’information.
La personnalisation permet d’accélérer les choix des utilisateurs en leur proposant immédiatement et avec la plus grande pertinence ce qu’ils recherchent sans même savoir exactement de quoi ils ont besoin.
Et cette personnalisation devra être la plus individualisée possible, car il ne s’agit plus de créer des segments d’utilisateur d’une façon “traditionnelle”, mais bien de créer pour chaque individu des offres et des parcours uniques pour chacun d’entre eux.
Pour les entreprises, cela représente d’abord un enjeu majeur : la véritable connaissance du client à travers la collecte d’immense bases de données. Or, il est probable que beaucoup d’entre elles ne disposent pas encore de ces bases ou bien qu’elles ne soient pas encore suffisamment structurées pour être exploitables.
Deuxième, elles devront aussi savoir créer les meilleurs algorithmes pour pouvoir en tirer parti.
Enfin, la personnalisation ne sera rien sans une UX qui saura parfaitement la mettre en oeuvre à l’instar d’un Netflix ou d’un Youtube avec des systèmes de navigation qui créent des expériences immersives et prolongent le plus longtemps possible l’utilisation de la plateforme.