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Metaverse : demain, ferons-nous tous du shopping en 3D ?
Cette semaine, la part belle des news du numérique était encore au Metaverse de Meta/Facebook, ce qui m’a fait me demander, puisque j’aime bien parler de ecommerce : “oui, mais va-t-on vraiment pouvoir faire du ecommerce dans le Metaverse ?” “Va-t-on vraiment chausser ses Oculus (lunettes de réalité virtuelle) pour aller faire du shopping ?“
« Chérie, je vais faire les courses !
N’oublie pas les couches du petit !
Non, non, je n’oublierai pas. »
Et vous voilà parti avec votre casque dans les rayons d’un hypermarché virtuel, dans lequel il sera plus facile de ne pas oublier les couches du petit, puisqu’il suffira de l’ajouter à une liste électronique, permettant de pallier à votre mémoire défaillante ou si facilement distraite par le rayon bières.
Pas besoin de sortir de chez vous. Et avec la montée en puissance du quick commerce, vous serez livré en moins de 10mn par un gentil livreur à vélo ou en scooter électrique.
(bien, ok, on voit déjà tout de suite que la livraison rapide, ça ne marche pas, pour les grosses courses. Difficile d’imaginer un coursier en vélo vous livrer vos packs de bière, les couches du bébé, les rouleaux de papier hygiénique et les boîtes de céréales à bord de son frêle deux roues)
Le rêve ?
Vous pourriez voler au dessus des rayons pour aller plus vite. Utiliser un moteur de recherche intégré dans votre vision. <- Et, du coup, plus besoin de demander à un vendeur introuvable où se trouve la sauce au Gorgonzola en pot. Vous trouveriez instantanément.
Évidemment, plus besoin de faire la queue. A moins, que pour aller jusqu’au bout du concept, les créateurs de l’hypermarché ne décident de recréer cet élément indissociable des grandes surfaces afin de redonner une touche de réalisme à votre expérience… mais, on aurait le droit de couper la file ! Imaginez ! Quel plaisir !
Et puis, super, bien évidemment, vous n’auriez besoin de parler à personne. Pas à la caissière ou au caissier, qui, de toute façon, dans la vraie vie, vous déprime en vous ramenant à la triste réalité « des petits métiers qu’il faut bien faire ».
Mark Zuckerberg disait qu’on pourrait essayer des produits en vrai avant de les acheter. Un pantalon, un costume, une perçeuse… tout ça simulé en 3D. J’ai un peu de mal à voir pourquoi il faudrait passer par un univers virtuel pour faire tout ça, puisque ça existe déjà, que ça n’est pas vraiment terrible, et que ça n’enrichit pas tant que ça l’expérience client… sauf à arriver à une sorte de réalisme parfait, que je n’ai encore vu nulle part pour ma part et dont je doute que le Metaverse fasse beaucoup mieux que les solutions actuelles.
Quels avantages pourraient vraiment apporter la 3D au commerce ?
C’est vraiment la question qu’on peut se poser tant elle est un frein à l’expérience de déplacement, contrairement à ce qu’on pourrait croire à première vue.
Mettre de la 3D dans le digital, c’est comme remettre une contrainte du monde physique que le web avait effacé : la notion de distance.
Lorsque vous surfez sur Internet avec un écran, vous passez d’un univers à un autre en un clic. Vous passez d’un rayon à un autre en un clic. Vous trouvez instantanément ce que vous cherchiez en un clic, grâce à un moteur de recherche. Se promener dans un univers en 3D pour faire du shopping n’a d’autre sens que de vouloir trouver du plaisir à se transposer dans un monde surréaliste, proche de ce qu’on trouve dans les jeux vidéos (et ça n’est d’ailleurs pas une surprise que les seuls vrais métavers existants soient des jeux vidéos)… et dont le seul intérêt est effectivement d’être projeté dans un ailleurs plus onirique, mais qui ne répond en aucun cas à un besoin utile de gagner du temps, d’aller plus vite, d’augmenter nos capacités cognitives, ce que fait déjà très parfaitement le Web d’aujourd’hui.
Imagine-t-on les gens affublés d’un casque VR pour aller au supermarché ?
Et puis, imagine-t-on vraiment les gens…. pas les gens, comme vous et moi, qui passons des heures sur Internet à essayer de comprendre quelque chose à cet univers en perpétuel mouvement… pas les jeunes, penchés pendant des heures sur leurs écrans… non mais, les gens, les vrais, ceux pour qui l’ordinateur ou le téléphone ne sont que des accessoires de la vie quotidienne et pas des outils de plaisir et d’exploration… enfiler un casque pour aller parler au guichetier de la SNCF ou à leur voisin, ou bien, encore aller « pousser le caddie » le samedi après-midi dans une pâle imitation de rayons numériques ?
Bien entendu que parfois, la réalité est lourde, pénible, et que l’on préférerait s’en absoudre pour ne pas perdre de temps. Qui, franchement, a envie d’aller faire la queue dans une boutique ? (encore que, ça fasse partie du concept de certaines enseignes)
Mais enfin, tous les outils qui nous permettent d’éviter certains désagréments de la vie réelle, nous les avons déjà. Et l’on sait aussi maintenant que l’on ne peut pas tout numériser, et que le contact humain, reste souvent indispensable pour simplifier les démarches, résoudre une difficulté que le numérique ne peut pas résoudre… oui, il y a des limites au numérique. Y apporter une dimension 3D n’est pas simplifier ce monde sous prétexte de le faire ressembler à la réalité. Il s’agit du même problème que l’anthropomorphisme des robots. Le metaverse est la traduction exacte dans le numérique de vouloir donner à nos programmes, à nos applications, l’apparence de la réalité en pensant que cela serait plus facile, plus acceptable.
Dès qu’une nouvelle technologie apparaît, les humains essaient toujours de lui donner l’apparence du vivant.
Cela me rappelle exactement les architectes qui donnaient, à une époque, au métal ou au béton l’apparence du bois, pour rendre plus familier ces matériaux à nos sens et à nous les faire accepter plus facilement. Qu’on pense aussi à Clément Ader avec son avion aux ailes de chauves-souris. Ou bien, de manière plus proche de nous, au design skeumorphique, consistant à donner l’apparence de réalité à nos interfaces. Plus personne ne fait cela, car nous savons que cette imitation de la réalité n’est pas la réalité, comme une imitation de marbre en peinture, comme un faux plancher en lino. Nous avons surtout besoin que la technologie soit plus efficace que celle-ci, non pas en apparence, mais dans ces fondements, et qu’elle nous donne réellement des super-pouvoirs, qu’elle augmente nos capacités cognitives. Pas qu’elle nous empêtre dans une imitation balourde de la réalité.
Tout est déjà là. Pourquoi le mettre dans un monde en 3D ?
C’est en cela que je pense que le Metaverse ou tous les univers 3D ne pourront offrir l’efficacité de toutes les interfaces et tous les moyens numériques que nous avons déjà développé depuis des années dans le “Web normal”.
Si la 3D avait été le futur du numérique, nous le saurions déjà. Et si la 3D apportait réellement quelque chose au commerce, nous le saurions aussi.
Bien évidemment, on peut imaginer quelques exceptions. La visite virtuelle d’une maison… Pourquoi pas ?
Ou bien la visite d’une destination touristique.
Pourquoi pas non plus…
Mais vraiment, non, la 3D n’est pas un progrès pour l’expérience utilisateur au quotidien. C’est même plutôt l’inverse. Et si un véritable marché existe à l’intérieur de ces mondes virtuels… un marché pour des objets virtuels… il m’est difficile de croire que demain, nous irions tous faire notre shopping en enfilant un casque, en nous isolant de nos congénères, en fuyant le vrai monde, dont nous avons tant besoin… en fuyant ce qui fait l’essence de la vie, l’usage de tout nos sens : le toucher, l’odorat, le goût, et pas uniquement la vue et l’ouïe. Et même si les gens apprécient de temps à autre ces évasions numériques, leur aspiration principale demeurera encore et toujours la rencontre avec le vrai, le réel, les vraies personnes. Et même si, il est toujours appréciable de pouvoir s’en évader parfois.
Le numérique ne doit pas être un substitut de notre monde, mais un outil pour nous rendre plus rapide, plus fort, plus intelligent. Son rôle ne doit pas être de nous crétiniser avec des artifices de jeux vidéos, destinés uniquement à stimuler notre besoin de plaisir et nous refourguer de la pub, même en 3D, mais bien un moyen de nous transcender sans quitter le réel, en s’interfaçant et en s’immisçant avec la réalité, comme il le fait déjà.