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Analyse UX de Midjourney : des progrès à faire

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Analyse UX de Midjourney : des progrès à faire

Midjourney vient de lancer la version web de son interface et ce qu’on peut dire, c’est que ce n’est pas franchement une réussite, car cette première version comporte trop d’incohérences et de défauts de conception en termes de design d’interface. On l’a quand même analysé pour, car c’est aussi en montrant des problèmes de design qu’on arrive à mieux concevoir des interfaces.

Écran titre de l'article : analyse UX de Midjourney

Midjourney, pour ceux qui ne seraient pas encore au courant, c’est un outil de génération d’images à partir de prompts. Depuis une simple phrase, il permet de créer plusieurs photos à la volée et de les réutiliser pour illustrer ses articles.

Mais depuis son lancement, Midjourney n’était accessible que depuis l’application Discord et cela le rendait peu accessible à une grande majorité d’utilisateurs.

Conscient du problème, Midjourney est en train de tester une interface Web, beaucoup plus grand public, plus intuitive, sensée être plus facile à utiliser.

L’interface est encore en version alpha, et c’est pour cette raison que nous l’avons analysé, car il reste encore pas mal de problèmes à résoudre, ce qui en fait une interface riche en apprentissage pour tous ceux qui s’intéressent au design d’expériences numériques.

Cinq reproches que l’on peut faire à l’UX wex de Midjourney

Pour cette analyse, nous nous contenterons de regarder uniquement l’outil de génération d’images. C’est censé être la fonction principale de Midjourney, mais, curieusement, elle est placée en deuxième dans l’ordre d’affichage des onglets du menu à gauche.

Analyse UX de Midjourney : Interface principale Web desktop.

Premier reproche : un utilité mal mise en avant

Premier reproche que l’on peut faire à cette interface : sur cette page, on peut rapidement s’étonner du choix de l’architecture d’information. La partie la plus visible et la plus importante est la zone réservée aux images des anciens prompts.

Le champ de saisie des prompts, lui, est placé en haut de l’écran, et il semble complètement écrasé, là, par les images. Ce positionnement le rend presqu’invisible, d’autant que son apparence graphique ne le fait pas ressortir non plus (on dit qu’il n’est pas très saillant).

L’aspect général de cet écran fait finalement plus penser à une page de résultat de recherche d’image qu’à un outil de créativité. C’est peut-être un choix de la part des designers, mais il ne semble pas en adéquation avec l’objectif de l’outil.

Deuxième reproche : aucune aide, aucun onboarding

Deuxième reproche que l’on peut faire à cette interface : il n’y a pas d’onboarding, c’est à dire pas d’assistance pour aider les nouveaux utilisateurs à prendre en main l’outil. C’est assez étonnant quand l’on pense à la manière innovante de fonctionner qu’à Midjourney. Contrairement à ce que l’on peut croire, le prompt n’est pas un mode de d’interaction habituel pour la plupart des gens. Et pour leur permettre de se l’approprier, il faut forcément renforcer la période d’apprentissage de l’outil.

Il aurait donc fallu des bulles d’aide, ou au moins un lien vers une vidéo explicative. Là, rien : on laisse l’utilisateur se débrouiller en supposant qu’il va comprendre par lui même l’utilisation du produit. Il n’y a même pas un exemple de prompt dans le champ texte de saisie.

Troisième reproche : des fonctionnalités primaires cachées

Troisième reproche. Un des gros problèmes de Midjourney était, dans sa version Discord, le paramétrage de la génération d’image. On était revenu à l’âge de Pierre, avec l’utilisation d’instructions codées pour introduire des paramètres dans un prompt. Pour des passionnés et des early adopters, cela peut se comprendre. Mais pour une cible plus grand public, c’est carrément rédhibitoire.

Il était donc normal que Midjourney introduise des boutons de réglages qui remplacent ces lignes de code. Malheureusement, cette interface de paramétrage n’est pas visible d’emblée. Il faut cliquer sur un petit bouton paramétrage pour découvrir l’ensemble des curseurs de réglages de la génération de prompts (et encore, ils n’y sont pas tous).

Analyse UX de Midjourney : vue du panneau de configuration

Quatrième reproche : des fonctionnalités de paramétrage difficiles à comprendre

Le panneau de réglage des prompts est peu intuitif. L’utilisateur néophyte se retrouvera face à des réglages dont il ne peut pas deviner l’utilisation s’il n’a pas expérimenté un peu le produit.

Or, c’est bien sûr quelque chose qu’il faut éviter : faire essayer un produit pour apprendre à l’utiliser.

Au contraire, quand on introduit des fonctionnalités innovantes dans un produit, il faut aider l’utilisateur à les comprendre sans qu’il doive les tester en prenant le risque de perdre du temps ou de ne pas arriver à obtenir de résultats intéressants qui lui donneraient envie d’adopter cette fonctionnalité.

Ici, l’utilisateur est un peu lâché dans la nature, si on peut dire ça comme ça. Si le réglage de taille d’image parait évident, il n’en est rien pour les autres réglages.

L’utilisateur doit en deviner toutes les utilités, car aucun bouton d’aide au survol, aucun indice n’est donné pour comprendre ce que sont la “stylisation”, “l’étrangeté” ou “la variété”. Evidemment, si vous avez déjà utilisé la version Discord et suivi les recommandations des influenceurs sur les réseaux sociaux, vous saurez comment cela fonctionne, mais pour un utilisateur néophyte, c’est un mystère.

Et c’est un risque pour Midjourney de cantonner son produit uniquement à des passionnés et des connaisseurs qui ont le courage, la passion et le temps de chercher à comprendre comment fonctionne leur application, mais pas à la plupart des gens qui veulent comprendre vite et obtenir rapidement des résultats contrôlables dans une application (ce qui est loin d’être le cas pour Midjourney).

Cinquième reproche : une organisation de page malhabile

Une autre chose qu’on pourra encore reprocher à cette interface est son organisation qui est directement héritée de celle de Discord et qui ne semble pas avoir fait l’effort d’une réflexion approfondie.

En effet, pourquoi afficher dans la page de génération tout l’historique des générations précédentes, alors qu’il existe un onglet Archives (bien mal nommé) qui permet de les retrouver par ailleurs ?

Pourquoi avoir affiché le panneau de paramétrage au-dessus des images générées ? Lors de nos essais, nous n’avions pas vu, à plusieurs reprises, que la génération avait démarré, parce qu’elle était cachée par ce panneau.

Pourquoi d’ailleurs ne pas montrer un feedback au démarrage de la génération ? Et pourquoi n’y a-t-il pas de bouton “Générer” ?

Pourquoi, encore, avoir un champ de recherche juste à côté de celui de saisie des prompts ? Est-ce qu’il n’est plus une bonne pratique d’éviter d’avoir dans la même zone deux champs de saisie pour des fonctionnalités radicalement différentes (Loi de la proximité) ?

En conclusion : beaucoup d’erreurs de conception ou un produit encore mal défini ?

Au delà de tout chiffre et sans connaissance du contexte, on peut s’interroger sur les choix qui ont présidé au design de cette interface. Beaucoup d’erreurs semblent avoir été commises et il faut croire que cette version “alpha” n’est qu’un brouillon destiné à faire venir plus rapidement un plus grand nombre d’utilisateurs non adeptes de Discord (ce qui était un frein évident à l’expansion de Midjourney).

Mais ces erreurs sont instructives, car elles nous montrent ce qu’il ne faut pas faire et nous permettent de rappeler quelques leçons.

Quelques leçons tirées de cette analyse UX de Midjourney

Leçon n°1 : l’organisation d’une interface doit clairement démontrer l’utilité finale du produit

Dans le cas de Mijourney, est-ce une galerie, un générateur d’images ?

Le mélange des genres est à son apogée dans l’écran de génération d’images. On y retrouve à la fois une fonctionnalité de génération et une fonctionnalité de recherche. C’est à la fois un outil de créativité et un outil d’idéation. Et c’est aussi une galerie (archive de ses créations).

Pour un utilisateur néophyte, ce mélange de genre ne peut apporter que de la confusion et oblige à un temps de compréhension qui nuit à l’adoptabilité du produit.

Leçon n°2 : sur un produit innovant, mettez de l’assistance partout

Certains d’entre nous connaîssent sans doute parfaitement bien l’utilisation de Midjourney, mais qu’en est-il de personnes moins habituées au numérique, n’ayant pas envie de chercher à comprendre (Don’t make me think, rappelez-vous le fameux adage de Steve Kruf, auteur du livre éponyme) et dont la disponibilité pour apprendre est limitée ?

Dans cette nouvelle interface, rien n’est fait pour guider ces utilisateurs. Ils doivent se débrouiller par eux mêmes. Or, c’est une erreur. Sur un même interface, on doit pouvoir traiter les différents types d’utilisateurs et leur donner les moyens de les satisfaire quelque soit leur niveau de connaissance.

Le manque d’assistance risque de détourner pas mal de néophytes qui, malgré la simplicité du concept de génération d’images, risquent de se décourager à ne pas comprendre les différents paramètres, ni à réussir à obtenir des résultats cohérents avec leurs prompts (une fois passé l’effet Whaou qu’on peut tous avoir à utiliser Midjourney pour la première fois).

Leçon n°3 (conséquence de la deux) : pensez toujours à vos utilisateurs futurs

Une erreur classique à penser que sa masse d’utilisateurs est homogène et statique. C’est à dire qu’elle n’évolue pas. En conséquence, on crée un produit pour ces utilisateurs en oubliant que les nouveaux arrivants n’auront sans doute pas les mêmes besoins, ni les mêmes compétences. C’est véritablement ce qui se passe ici tel que nous l’avons décrit dans le point deux.

Votre interface doit savoir prendre en compte les différentes typologies d’utilisateurs et leurs offrir des expériences qui leurs correspond. Sans aller jusqu’à des interfaces personnalisées, il existe de nombreux moyens de résoudre cette équation.

Leçon n°4 : testez !

Nous donnons toujours le même conseil à chaque fois ! Testez !

Surtout dans le cas d’une application innovante, un ou plusieurs tests utilisateurs s’avèrent indispensable pour bien comprendre ses utilisateurs.

Qu’est-ce qu’un test permet de récolter ?

  • Evidemment, il permet de détecter des erreurs d’ergonomie, des problèmes d’interactions, etc.
  • Mais aussi, il permet de mieux comprendre la psychologie des utilisateurs.
    • Que veut-il faire du produit ?
    • Quels résultats ils pensaient en avoir ?
    • Quelles appréhensions ils ont à l’utiliser ?
    • Quelles utilisations ils voudraient en faire ?
    • Quelles fonctionnalités ils leurs manquent ?

Plus vous travaillerez avec vos utilisateurs, plus vous serez capable de répondre aux mieux à leurs différents besoins.

Leçon n°5 : fixez-vous des objectifs

L’ergonomie ne doit pas être un exercice de style, mais doit s’inscrire dans une stratégie avec des objectifs.

Posez-vous les bonnes questions et mettez des kpi en face :

  • Qu’espérez-vous que fassent vos utilisateurs sur une page ?
  • Comment le mesurez-vous ?
  • Comment cela sert-il votre entreprise ?
  • Comment cela sert-il vos utilisateurs ?
  • Quel est leur niveau de satisfaction ?

Si vous ne savez pas comment mettre en place ces objectifs et kpi, nous vous recommandons d’aller lire notre article sur le modèle HEART, qui est un moyen très efficace d’aligner vos équipes et vos moyens pour arriver à servir au mieux toutes les parties prenantes d’une plateforme.

Conclusion

Nous espérons que cette analyse vous aura aidé à mieux comprendre comment concevoir une page pour un produit numérique. Une analyse plus poussée et plus fine aurait demandé de connaître parfaitement le contexte, d’avoir des données d’utilisation en main et d’avoir fait des tests utilisateurs. Mais elle a le mérite de souligner les incohérences de conception qui sautent au premier coup d’œil et qui peuvent être des pistes d’amélioration de Midjourney.

Si vous avez apprécié cette analyse UX, d’autres sont disponibles sur notre blog.


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