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INTERVIEW | Sébastien Lepage des bijouteries Lepage.fr

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INTERVIEW | Sébastien Lepage des bijouteries Lepage.fr

Il y a quelques mois,  j’ai eu le plaisir d’accueillir Sébastien Lepage qui est le gérant de la maison Lepage, une bijouterie joaillerie située à Lille mais dont l’origine se situe en Normandie, au Havre.

 

 

OLIVIER : En 2017 vous avez décidé de donner un sérieux coup de fouet à votre présence online et de lancer une importante refonte de votre site e-commerce. Est-ce que vous pouvez nous dire ce qui a motivé cette décision ?

 

SEBASTIEN : En 2017 nous étions présents en ligne depuis près de sept ans et nous avions besoin de faire évoluer la plateforme, de pouvoir proposer à nos clients une nouvelle expérience online pour toujours mieux présenter nos produits et ainsi augmenter nos parts de marché !



OLIVIER : Avant de continuer, faisons un petit retour en arrière pour parler de la maison Lepage. Comment est-elle née ? Etes-vous le fondateur ?

 

SEBASTIEN : Pas du tout. C’est notre arrière, arrière, grand-père qui a fondé la maison en 1922. La première boutique “Lepage” a été ouverte au Havre, puis à Rouen en 1939. Notre grand-père paternel a ensuite ouvert une boutique à Lille en 71 et à Nice en 81. Mes frères et sœurs et moi-même sommes donc les représentants de la 5ème génération et nous allons fêter le centenaire de la société en  2022. C’est une véritable histoire de famille qui perdure encore aujourd’hui.

 

OLIVIER : Comment vous êtes-vous lancé dans le Web  ? 

 

SEBASTIEN : Alors personnellement, je suis arrivé en 2009. Il a fallu que je prenne les marques et que j’apprenne le métier. J’ai eu la chance de travailler avec mes parents qui m’ont fait bénéficier de leurs expériences et en même temps avoir les coudées franches pour apporter un peu de sang neuf et de nouvelles idées.

Le commerce en ligne était l’une de ces idées et c’est comme cela que nous avons commencé avec le digital via la toute première version du site qui a été lancée en 2010.

 

OLIVIER : Qu’est-ce que peut apporter le digital au monde de la bijouterie, des montres de luxe, qui est très conservateur, comme vous le disiez avant que l’on commence l’interview ?

 

SEBASTIEN : Pour être tout à fait transparent, le site n’a pas été directement pensé comme un site d’e-commerce. La toute première version de notre site était clairement une version institutionnelle avec du Flash, où nous avions recréé des univers dans lesquels les internautes pouvaient naviguer, mais pas acheter. Vous connaissez l’amour des moteurs de recherche pour le Flash ;-). Nous nous sommes vite rendu compte que même si l’expérience était sympa, cela n’apportait rien de concret. De ce fait, presque huit mois après, nous sommes passés au e-commerce, et ce, dans un milieu hermétique qui est effectivement très conservateur, alors qu’aujourd’hui beaucoup de grandes marques horlogères suisses et de marques de joaillerie y sont présentes.

 

À l’époque, l’e-commerce dans le luxe était un sujet quasiment tabou, et ce pour plusieurs raisons : parce qu’il y a un placement de prix élevé, parce qu’il s’agit d’une industrie qui est traditionnellement très conservatrice. Par conséquent, dans le cadre de mon métier, l’ e-commerce au début s’est avéré être un projet un peu fou et très très innovant.

 

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OLIVIER : Comment cela se passe-t-il de vendre des montres à 8 ou 10.000 euros en ligne ? Est-ce souvent le cas ?

 

SEBASTIEN : Pas assez ou pas encore assez.

 

Pour être tout à fait franc, nous effectuons régulièrement de belles ventes en ligne, mais elles ne concernent pas le genre de produits que nous nous attentions à vendre. En revanche, nous observons une réelle appétence pour les produits en dessous de 1.000 euros.  Les gens n’ont plus peur aujourd’hui de dépenser 300 ou 400, voire 1.000 euros en ligne de manière régulière.

 

OLIVIER : Y a t-il eu un impact de la présence en ligne sur les ventes en magasin ?

 

SABASTIEN : Oui, un impact énorme et quasi immédiat. Aujourd’hui,  deux clients sur trois nous parlent de notre site lorsqu’on s’installe avec eux en magasin. Ils se sont renseigner en amont sur le site des marques, et bien sûr, sur le nôtre. Sous ce prisme là, notre métier a complètement changé avec l’arrivée du e-commerce.

 

OLIVIER : Qu’est-ce qui a modifié le comportement du consommateur ? Cela m’évoque le comportement d’achat des gens de l’automobile où finalement le vendeur en concession ne fait plus du tout le même métier qu’il y a 10 ans.  Avant, il conseillait, apportait énormément d’information. Aujourd’hui le client est quasiment mieux informé que le vendeur. Est-ce que c’est la même chose dans votre domaine ?

 

SEBASTIEN : C’est exactement ce qui s’est passé chez nous. Avant nous étions prescripteurs, nous apprenions des choses à nos clients. Aujourd’hui on échange avec eux ! Cela signifie que la personne en face de nous possède très souvent un niveau d’information qui est, si ce n’est supérieur aux autres, au moins égal. Il s’est renseigné, il est allé dans les petites lignes.  De plus, nos équipes de ventes et nos conseillers ont dû monter en compétence. Aujourd’hui, on n’est plus dans le didactique, on est dans l’échange et dans l’expérience. C’est ce qu’attend notre client aujourd’hui !

 

OLIVIER : Parlons justement d’expérience. Vous avez fait refaire une partie de l’établissement de Lille, et notamment, vous avez rendu visibles les ateliers pour que les clients puissent voir les ouvriers artisans en train de travailler sur les bijoux ou les montres.

 

SEBASTIEN : Tout à fait. Aujourd’hui, mon rôle et celui de mes associés, c’est d’essayer de penser à la pérennité de l’entreprise, à son avenir à court, moyen et long terme. Et nous avons observé que le retail au sens global était en train de changer et très rapidement. Les habitudes de consommation se transforment.

 

Aujourd’hui les gens se baladent en ville, mais ne viennent plus trouver un produit. Ils ont envie d’optimiser leur temps, leur timing et nous nous sommes rendus compte que si l’on ne faisait pas de nos magasins des lieux d’expériences, des lieux où il possible de voir, d’apprendre et de comprendre des choses, nous allions rapidement perdre les visites en boutique. Cela serait catastrophique !

 

Par conséquent, en 2016, quand nous avons eu l’occasion d’agrandir le magasin actuel de Lille, nous avons tout repensé sous le prisme “d’expériences”. Nous avions des ateliers logés au quatrième étage de la structure avec des ouvriers à la fois en joaillerie et en horlogerie qui travaillaient à huis clos, tranquillement dans une bulle là-haut. Nous nous sommes alors pencher sur ce que l’on voit aujourd’hui dans le monde de la cuisine avec les cuisines ouvertes, afin d’adopter cette tendance  à notre métier !

 

C’est tout bête, mais il y a eu un vrai impact. Aujourd’hui, quand un client vient nous voir pour un problème d’atelier: une pile à changer, une montre a faire réviser, un bijou à faire ressertir ou encore à faire polir, le client arrive chez nous, discute avec nous et du coin de l’oeil, tout en patientant, il peut observer les ouvriers s’affairaient au niveau des ateliers. Cela apporte une véritable valeur ajoutée et témoigne d’un vrai métier.

 

Le client peut également voir que les tarifs, pensés parfois à tort comme étant excessifs sur la raison d’une montre automatique par exemple, se justifient ! Revisser une montre automatique, c’est démonter complètement un mouvement, le nettoyer, remettre les bonnes huiles au bon endroit, le remonter dans le boîtier et assurer l’étanchéité. Il y a énormément de choses et cela a permis au client de se rendre compte de l’envers du décor.

 

OLIVIER : Revenons sur la refonte du site en 2017. Pourquoi refondre ce site ? Qu’est-ce que vous vouliez ajouter à ce qui existait déjà ? Et dans quelle stratégie plus globale ?

 

SEBASTIEN : En 2017, nous commencions à être assez mature dans ce métier du digital. Nous étions en ligne depuis sept ans, et avions passé certains paliers de chiffre d’affaires. Nous avons aussi beaucoup appris pendant ces sept années et sommes arrivés au maximum de ce que nous proposait la plateforme que nous avions jusque là.

 

Avec beaucoup d’idées, nous voulions faire vivre de nouvelles expériences à nos clients via Internet, raconter plus d’histoires, toucher une zone de chalandise plus importante… Et aujourd’hui en tant que franco-français, la beauté du digital fait que l’on peut toucher absolument tout le monde. Toutes ces raisons, nous ont amené à réfléchir et à se lancer dans une refonte complète de la plateforme.

 

OLIVIER : Au niveau du dispositif digital, dites-en moi plus. Avez-vous une équipe en interne qui gère votre activité e-commerce ?

 

SEBASTIEN : Aujourd’hui, nous avons 4 équivalents temps plein sur la structure. Une partie du boulot est aussi externalisée. Nous avons dû nous équiper et nous entourer d’experts, parce que dans le digital, nous avons souvent tendance à croire que tout est facile, comme c’est un magasin ouvert 24/24. Cela est vrai mais  nécessite également beaucoup de travail.

 

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OLIVIER : Et en terme de logistique comment cela se passe chez vous ? Est-ce vous qui vous occupez d’expédier des colis ou tout est sous-traité ?

 

SEBASTIEN : Alors nous, nous avons tout appris sur le terrain. Mais en logistique, nous avons un problème dans notre métier : les stocks coûtent très cher. Vous enfoncez une porte ouverte mais il faut savoir que le partage des stocks chez nous, c’est le nerf de la guerre.

 

C’est vraiment un point clé de la gestion d’entreprise. Par conséquent, nous n’avons pas d’entrepôt avec des produits en double. Ce sont nos magasins physiques, le magasin du Havre et de Lille, qui aujourd’hui, nous servent d’entrepôt. Et lorsqu’une commande est passée sur Lepage.fr, nos équipes vont chercher les produits.

 

OLIVIER : Donc le colis peut être expédié du Havre ou de Lille indifféremment ?

 

SEBASTIEN : Indifféremment. L’information est donnée en temps réel à l’internaute. Si le produit est disponible, il est expédié en 24 heures. S’il ne l’est pas, on s’engage à lui expédier sous 10 jours ouvrés.

 

OLIVIER : Je me suis laissé dire que vous possédiez votre marque en propre.  Comment la mettez-vous en avant par rapport aux marques que vous distribuez également ?

 

SEBASTIEN : Ça, c’était un des points central de la refonte.

 

Depuis presque cent ans maintenant, nous créons nos propres bijoux. Grâce à notre localisation sur Lille, très proche d’Anvers, nous avons une grosse activité en joaillerie et en création joaillière Or et Diamant. Nous achetons donc nos diamants nous mêmes. Nous avons beaucoup de modèles qui nous sont propres, hérités de nos parents ou grands-parents ou nos arrière grands-parents. Mais tout cela, nous ne l’avions jamais marketé.

 

Nous n’avions pas de ligne construite et on s’est servi de ce projet de refonte pour justement construire cette gamme, cette marque de bijoux en or et diamants, pour proposer à nos clients des collections construites dans l’air du temps.

 

OLIVIER : Ces collections, on les voit plus sur le site actuel. Est-ce que vous avez senti un impact sur les ventes ? Est-ce à la fois en ligne et en magasin ?

 

SEBASTIEN: Alors très curieusement en ligne, nous commençons à voir des ventes se déclencher sur ce produit là.

 

En revanche, ce n’est pas ce qu’on avait anticipé et les ventes magasins ont explosé grâce à la visibilité donnée par le site. Et là, nous sommes en train de construire petit à petit une notoriété de marque en ligne. Mais c’est quelque chose qui prend du temps dans notre métier. Le client a besoin d’être assuré d’être chez des gens sérieux. Et comme les Parisiens et les Bordelais ne nous connaissent pas forcément, il va falloir gagner leur confiance. Mais j’ai bon espoir, je ne suis pas inquiet 🙂

 

OLIVIER : Pour terminer, juste une question sur votre relation avec les marques que vous distribuez. A-t-elle eu un impact sur la relation que vous aviez avec eux ? 

 

SEBASTIEN : La relation avec nos marques a toujours été très bonne, sinon on ne distribuerait pas leurs produits. Mais c’est vrai que l’avènement du digital a un petit peu bouleversé le secteur. Jusqu’à maintenant, mon boulot était de faire du retail, et les marques, leur boulot était de faire des produits. Aujourd’hui  avec le digital, les marques ont pour la première fois accès aux clients finaux et essayent de l’atteindre par ce canal. Je pense que cela est légitime mais rebat les cartes.

 

Aujourd’hui, moi, ma vision du métier est la suivante : nous allons vers des acteurs dans le retail de plus en plus gros, des acteurs principalement régionaux et des marques qui resteront fortes, qui vont s’adresser à une clientèle qui n’était pas desservie dans sa zone de chalandise grâce au digital. On a la chance, si vous voulez, de s’inscrire dans une stratégie qui correspond à la vision des marques.

 

Donc aujourd’hui on garde d’excellents rapports avec les marques mais c’est vrai qu’ils évoluent très vite.

 

OLIVIER : Et pour terminer : comment voyez-vous l’avenir de la bijouterie, de l’horlogerie en ligne ?

 

SEBASTIEN : Je pense qu’on va continuer à faire des choses et à les faire de mieux en mieux. Je pense qu’au niveau technologique, il y a énormément de choses qui vont arriver. Après il ne faut jamais aller trop vite, il ne faut jamais mettre la techno avant les basiques. Mais, par exemple, avec la réalité augmentée, je pense qu’on va pouvoir faire des choses incroyables.

 

OLIVIER : Vous avez déjà fait des expériences avec ça ?

 

SEBASTIEN : On s’y intéresse, on teste. Aujourd’hui on est encore sur une techno qui n’est pas forcément complètement aboutie… Mais je regarde cela de très près parce que le jour où mes clients pourront, via un smartphone, voir le rendu de la montre, son diamètre, celui d’une bague ou encore d’une alliance au doigt et voir si le match correspond bien à leur morphologie, nous aurons clairement un “petit plus” pour que les gens se sentent dans une joaillerie chez eux. Cela me fascine.

 

OLIVIER : Merci beaucoup Sébastien Lepage.

 

SEBASTIEN : Merci Olivier.


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