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L’UX doit-elle changer l’organisation des entreprises ?

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L’UX doit-elle changer l’organisation des entreprises ?

Dans un post récent, je réagissais à un passionnant article d’un des fondateurs de l’UX, JJ Garett, dont la déception vis à vis du rôle de l’UX dans les entreprises était sans doute à l’hauteur de ses espoirs de jeune homme.

Son article posait une question intéressante. A savoir, l’UX a-t-elle besoin de modifier l’organisation d’une entreprise pour pouvoir être appliquée pleinement ? Et du moins, doit-elle influencer et faire évoluer les méthodes de conception de produit numérique au sein des entreprises ?

Je ne parlerai que pour ma chapelle : celle du ecommerce. C’est à dire d’une UX au service du “profit”. Car, ne nous berçons pas d’illusions. Dans le ecommerce, comme dans d’autres domaines de l’entreprise privée, c’est bien le profit, qui au bout du chemin, mène les réflexions, influe sur les choix et détermine les objectifs d’un UX Designer.

Est-ce bien ? Est-ce mal ? Je ne placerai pas mon propos au niveau du rôle de l’entreprise capitalistique dans notre monde, mais plutôt sur celui du rôle de l’UX designer et de sa mission au sein des entreprises.

Quel est le rôle de l’UX designer au sein de ces entreprises ?

Si l’on en croit l’objet d’une transaction commerciale, c’est bien d’aider chaque client et chaque entreprise à nouer la meilleure affaire possible. Celle qui lie à parts égales les intérêts des deux parties. D’une part, le client qui cherche à acquérir un service ou un produit pour son profit. D’autre part, une entreprise qui essaie de lui apporter le meilleur service ou produit, tout en retirant la possibilité de générer un bénéfice.

Dans cette relation, il semble évident que le rôle de l’UX Design est bien de permettre à chacune des parties d’accomplir ces objectifs de la manière la plus efficace, efficiente, rapide, simple, agréable possible. Ce sont les objectifs de l’UX.

Si l’on comprend cela, on comprend, en tant que UX designer, que notre rôle n’est pas tant d’infléchir les modalités de création de richesse de la société en s’attaquant à son symbole le plus impérieux, mais bien de servir au mieux un acte nécessaire et plus qu’antédiluvien, le commerce.

De cette première réponse découle une autre interrogation qui n’a pas forcément partie liée à la première.

L’UX doit-elle influencer le mode de fonctionnement de l’entreprise dans sa capacité à servir ses clients ?

Je pense sincèrement que oui, mais… avec un certain septicisme.

Car les UX Designers croient un peu trop souvent qu’ils détiennent une sorte de vérité, sans vraiment détenir toutes les clés du problème. J’apporterai donc une réponse nuancée à cette question.

Je reste persuadé que beaucoup trop de projets sont encore pensés sans réellement se préoccuper du confort et de la satisfaction des utilisateurs.

Je suis assez d’accord pour dire que les UX Designers appliquent un peu trop souvent des recettes toutes faites, sans vraiment se préoccuper du contexte particulier de chaque projet.

Bien entendu, lorsque l’on conçoit un site de ecommerce, on ne va pas réinventer le ecommerce. Il s’agit de suivre une voie déjà bien balisée, mais, pour autant, ça n’est pas une raison pour ne pas prendre un peu de recul à chaque projet.

Car chaque projet possède son propre contexte duquel, en l’étudiant dans les détails, on peut extraire des “insights”, des trouvailles, des “tips” qui sont autant de petits points créatifs qui, non seulement, feront l’originalité d’un site, mais amélioreront sa capacité à produire ce qu’il doit produire : de la satisfaction.

On ne peut donc concevoir une interface qu’en appliquant des méthodes. Un vrai travail de conception nécessite forcément d’aller au delà de la simple culture UX, mais bien de s’intéresser à ce qu’on peut appeler vulgairement “le métier”. A savoir, connaître le produit, le service, ses utilisateurs ou usagers, etc… Combien d’équipes UX poussent le vice à aller jusque là ?

Et je dirais, pour bien faire la part des choses : combien d’entreprises sont-elles également prêtes à donner aux UX designers les moyens d’aller jusque là ?

C’est peut-être là le point d’achoppement de l’UX aujourd’hui. Non pas un manque de reconnaissance du métier, mais bien un manque d’audace, de courage, de curiosité de la part des entreprises (que l’on finit toujours par traduire par un manque de moyen) qui permettent vraiment aux UX Designers de pratiquer leur métier.

Encore trop souvent aujourd’hui, on réduit leur rôle à celui de UI designers, en occultant totalement la partie recherche ou, du moins, en ne la laissant pas suffisamment respirer.

Cependant, une des raisons qui pousse aussi à refréner les UX designers dans leurs ardeurs, c’est que leur vision a souvent tendance à remettre en question les méthodes de travail des équipes en charge de la création des produits numériques. Là, d’ailleurs, se trouve peut-être aussi la fameuse déception de JJ Garett.

Pour ma part, j’ai la conviction que le rôle de l’UX doit se trouver au niveau de la direction générale d’une entreprise. J’ai cette conviction intime qu’elle devrait de plus en plus influencer la vision du dirigeant. Penser utilisateur/client, et ne plus penser marché. Penser besoin, et ne plus penser chiffre d’affaire. Penser satisfaction et ne pas penser vente.

Il ne s’agit pas ici de remettre en question la machinerie capitalistique, mais simplement de regarder le marché et de l’aborder sous un autre angle. Une autre vision. Une vision centrée utilisateur. Où, à l’instar d’un bébé, celui là devrait être satisfait dans ses moindres désirs.

Vous riez ?

Eh bien pourtant, sachez que c’est bien ce genre de philosophie qui anime les plans stratégiques d’un Uber, d’un AirBNB ou d’un Apple. Toutes ces sociétés pensent utilisateur avant de penser marché. Comment le satisfaire ? Comme lui complaire ? Comment lever toutes ses indispositions ? Comment lui rendre la moins contraignante possible la route jusqu’à sa satisfaction ?

Je pense que beaucoup trop d’entreprises en France n’ont pas compris cela et perde des clients face à celles qui sont déjà entrées dans ce paradigme. Et je pense notamment à une entreprise avec laquelle chaque interaction que j’ai à titre personnel, me tire un sourire de satisfaction.

C’est la MAIF.

C’est bluffant.

C’est absolument la seule entreprise avec qui je retire une expérience satisfaisante à chacun de mes contacts.

Je ne me sens ni agressé commercialement. Je suis valorisé. Les personnes que j’ai au bout du fil ont toute l’air intelligente et de faire un métier qui les passionne. Leur site est simple, facile à utiliser, et mixe parfaitement le fameux couple humain/numérique.

Non. Ce n’est pas un post sponsorisé par la MAIF 🙂

Mais je vous invite vraiment à essayer.

Cette entreprise est vraiment au niveau des Apple ou Amazon en terme d’expérience (ce que j’appelle UX dans un sens large du terme où le numérique se mêle au physique, et qui sont désormais deux dimensions indissociables de l’expérience utilisateur/client.)

Conclusion

Deux choses.

Oui, je crois en l’UX en tant que force transformatrice. Mais non pas du capitalisme ou de l’entreprise dans son essence, mais bien comme manière de raisonner dans la manière d’aborder le marché, en prenant au premier rang des préoccupations de l’entreprise la satisfaction utilisateur.

Lorsque beaucoup d’entreprises l’auront compris – et c’est au plus haut niveau que ça se passe – l’UX prendra une nouvelle envergure et sera une véritable méthode de pensée, plus équilibrée, pour créer de la valeur dans nos sociétés.


Photo par Mark König


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