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Questions d’UX sur le Métavers
Le Métavers plus facile à utiliser que l’Internet, vraiment ?
Un des arguments des défenseurs du Métavers est qu’il permettra de rendre les interactions homme-machines plus faciles, plus simples et donc plus accessibles. Notamment, le Métavers pourra permettre à des personnes en difficultés avec le numérique de pouvoir plus simplement,par exemple, effectuer des démarches administratives.
Malheureusement, je ne crois pas du tout à cette promesse. Ce n’est pas parce que nous imitons le monde en 3D qu’il est plus facile d’utilisation. Au contraire, ça serait même sans doute l’inverse. Car ce que nous prenons pour de la réalité, n’en est, en fait, qu’une mauvaise imitation, très limitée, et obligeant les utilisateurs à un apprentissage qui est loin de reproduire les interactions naturelles de la vie de tous les jours.
Et c’est en cela que je pense que beaucoup de pronostiqueurs se trompent sur l’utilisabilité du Métavers.
Rien n’est naturel dans le Métavers
D’abord, rien n’est naturel dans le Métavers.
Le corps humain est projeté dans un univers dans lequel tous ses sens sont trompés. Seule la vision est à peu près respectée, mais pour le reste, tout est factice : l’odorat n’est pas sollicité (même si j’ai déjà vu un prototype de casque capable de reproduire certaines odeurs), les sons sont spatialisés, la température n’est pas rendue, l’espace dans lequel se meut l’utilisateur est distendue par rapport à la réalité des déplacements.
Tout cela demande une adaptation de l’utilisateur, notamment au niveau de l’équilibre. C’est un des effets les plus rebutants des casques de VR : la sensation de nausée, dû au décalage entre ce qui est vu et ce qui est réellement vécu par le corps. Quelques études commencent à sortir sur ce sujet et elles montrent que c’est encore un problème prédominant.
Qui plus est, même si quelques personnes pourraient être aptes à porter un casque longtemps pendant la même journée, ça ne sera sûrement pas le cas pour la majorité des utilisateurs. Outre le fait que ça sera sûrement très inconfortable, mais avec des progrès dans ce domaine, le fait d’être occulté du reste de votre environnement pose de sérieux problèmes sociaux que le casque de VR ne pourra pas empêcher.
Une ergonomie loin d’être parfaite
La deuxième difficulté réside dans l’interactivité du casque en lui même… ou plutôt de ce qu’il y a à l’intérieur.
Pour l’avoir essayé, l’Oculus, le casque de Méta, n’offre pas pour l’instant une ergonomie satisfaisante. De nombreux progrès restent à faire, notamment dans les interfaces internes qui obligent à viser avec un rayon des boutons qui se trouvent (virtuellement) à plusieurs mètres de l’utilisateur.
Pour l’instant, de nombreuses applications utilisent les manettes fournies avec le casque. Ces manettes sont assez compliquées à prendre en main, du fait, qu’elles possèdent plusieurs boutons, qu’il n’est pas vraiment possible de voir, mais dont le fonctionnement, la plupart du temps est à deviner par l’utilisateur, car chaque application les utilise différemment. Honnêtement, ça sera compliqué pour ceux qui ne sont pas très familier avec ce type d’interface.
Méta travaille tout de même sur des améliorations et il est même possible d’utiliser directement ses mains dans le Métavers, ce qui est assez bluffant. Vous pouvez voir vos mains, les utiliser, mais ce ne sont pas vos mains… ce qui est à la fois étonnant, mais gênant, car, bien évidemment, la précision de ces mains n’est pas du tout équivalente à la précision de vos mains réelles.
Autre problème, vous ne pouvez pas toucher les choses… vous avez l’impression de pouvoir le faire, mais, en réalité, vous ne rencontrez toujours que le vide. C’est encore une grosse différence avec la réalité : il n’y a pas de retour de force, pas de sensation de toucher. Même si je sais que des entreprises travaillent sur ces sujets, et qu’il sera sans doute possible un jour de le faire, il est dur d’imaginer de devoir enfiler des gants, mettre un casque pour aller faire des démarches simplement et rapidement, même dans un avenir un peu lointain.
Qu’on oublie pas que ce qui avait fait le succès de l’iPhone était sa simplicité. Avec le Métavers, son casque, et peut-être ses autres équipements, on en sera loin. Plus encore, parce que cet équipement ne pourra pas être utilisé dans un lieu ouvert ou public…
Le Métavers ne sera pas une réalité alternative
On le voit bien, le Métavers ne sera pas la réalité ou une réalité alternative. Ça sera bien une réalité dégradée qui nécessitera pour tous les utilisateurs un apprentissage supplémentaire de leurs compétences numériques. Et cela prendra du temps et tout le monde n’y parviendra pas avec la même facilité.
Est-ce que cela signifie que le Métavers ne pourra pas prendre forme tel qu’il nous est promu par ses laudateurs ?
Pour moi, la promesse du Métavers ne fonctionnera que si les moyens d’y accéder seront simples et intuitifs. Et aujourd’hui, nous en sommes très loin.
Le casque de Méta est plutôt impressionnant, mais il reste un outil de joueur de jeux vidéos. Et sa qualité n’en fait pas un appareil que l’on peut utiliser sur du long terme.
Ça n’est pas non plus un appareil que l’on pourra emporter partout avec soi. Et si l’on veut que le Métavers soit l’Internet du futur comme n’arrêtent pas de le proclamer les gens de Méta, il faudra bien pourtant que ça soit le cas.
Au vu des expérimentations de Méta en la matière, il est assez douteux que cela se fasse dans un proche avenir.
Alors évidemment, actuellement, tous les regards sont aujourd’hui sont braqués sur ce que pourrait faire Apple. La société californienne a toujours sur inventer des produits qui révolutionnent les marchés. Mais, d’après les dernières nouvelles, ses lunettes de VR/AR ne sortiraient pas avant le 3ème trimestre 2024, reculant encore un peu plus l’opportunité de lancer un véritable marché sur le Métavers.
Faut-il expérimenter dans le Métavers ?
Reste une dernière question : étant donné l’état des lieux du Métavers qui est encore très très loin du rêve vendu par Mark Zuckerberg, faut-il, pour une société se lancer dans des expérimentations, comme c’est déjà le cas dans de nombreux domaines (cf Carrefour, les marques de luxe ou de sport, comme Adidas ou Nike) ?
Pour moi, il est possible de se lancer dans des concepts, mais sans se dire que celui-ci pourra être un succès avant quatre ou cinq ans.
Il ne faut pas non plus imaginer pouvoir parvenir à trouver la killer app tant que les usages ne se seront pas généralisés.
Il faut donc pénétrer dans ce monde là avec un esprit extrêmement ouvert prêt à de nombreuses expérimentations et surtout s’éloigner du piège de la pure imitation qui n’apportera rien.
Les applications qui fonctionneront dans le Métavers seront celles qui tireront partie de ses différences :
- L’immersion : en quoi cela peut-il être un avantage ?
- La possibilité d’interagir dans un monde en 3D avec un certaine proximité avec la réalité : pour quels usages ?
- L’usage systématique d’un avatar : quelles règles sociales en sont modifiées et pour quels bénéfices ?
Pour moi, deux pistes se dessinent nettement aujourd’hui : le divertissement, déjà largement développé avec les univers de jeux qui s’apparentent au Métavers, et les simulations professionnelles pour l’apprentissage, dont il reste beaucoup de choses à faire. Mais nous verrons bien ce qu’il en est … encore quelques années de patience !