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Six bonnes pratiques pour mettre de la voix dans l’Expérience Client
Enseignements du VoiceTech Paris 2019
La voix va-t-elle réellement devenir un nouveau canal Web ? Et un nouveau canal de vente ?
Allons-nous tous interagir à la voix dans les années à venir ? Ou bien, les interfaces vocales ne seront-elles qu’une mode passagère ?
Autant de questions auxquelles il est difficile de répondre pour l’instant tant la technologie vocale cherche encore à trouver ses marques dans de véritables et utiles applications.
Toujours est-il que depuis l’écran tactile des smartphones, aucune nouvelle technologie n’avait su aussi facilement et aussi rapidement se faire une place dans les usages. Le chiffrage controversé de plus de 50% des recherches en 2020 montre pourtant que cette manière d’interagir avec les machines n’est pas qu’une simple mode, mais bien un usage en train de s’ancrer dans nos habitudes.
La voix est un moyen, pas une solution
Or, même si la reconnaissance vocale et les interactions vocales atteignent un niveau satisfaisant d’usage, il n’en reste pas moins qu’il ne s’agira pas de l’utiliser de n’importe quelle manière sans avoir, au préalable, une réflexion sur la manière de l’intégrer à un service ou à un produit. La voix n’est qu’un moyen, pas une solution !
Mais comment la mettre en oeuvre ? Comment l’intégrer à de nouveaux services ou à des services existants ?
La réponse réside dans une connaissance approfondie de son marché, de ses clients et de leurs usages, et des moyens de simplifier leurs interactions avec votre marque, votre service, votre entreprise. Mettre une borne vocale interactive au milieu d’un magasin n’apportera pas une amélioration de l’expérience client si cela ne répond pas à un usage, une demande ou l’élimination d’un frein utilisateur (ou irritant).
Nulle surprise ! Comme toujours, quand il s’agit de technologie, pour la faire accepter, il faut se pencher sur les habitudes utilisateurs et les connaître en détail pour trouver de nouveaux usages.
Venant de passer une journée au VoiceTech Paris, premier salon consacré à la question, j’ai pu en revenir, non pas avec des réponses, mais avec des best-practices qui montrent, s’il était encore besoin de le prouver, que les recettes connues de l’expérience client s’appliquent tout autant à la voix qu’aux technologies précédentes.
6 bonnes pratiques
Voici donc 6 best-practices que j’ai jugé utile de remémorer. Ils sont directement issus des témoignages auxquels j’ai pu assister durant cette journée.
1/ Humaniser la voix
C’est une des choses qui m’a le plus frappé. La recherche de la voix humaine parfaite. Ou plutôt la recherche de l’humanité dans la voix humaine.
Comme l’avait montré l’étude que nous avions menée avec Wexperience, rendre la voix plus humaine améliore son acceptation par les utilisateurs (augmentation de 30% selon une récente étude d’Amazon). Des acteurs comme CACF (crédit à la conso) ou BNP Paribas ont investi lourdement dans la création d’une voix de synthèse permettant de répondre à tous les besoins de l’entreprise.
Cette voix est créée à partir de l’échantillonnage d’un comédien dont la voix répond précisément aux critères de l’identité de marque. Après un travail fastidieux d’enregistrement (il faut 5 jours de travail, 6000 phrases prononcées pour pouvoir créer une base vocale de synthèse), la voix peut ensuite être générée automatiquement, presqu’en temps réel pour répondre à tous les besoins de l’entreprise.
Pourquoi faire une voix de synthèse « humaine » ? Cela répond à un besoin essentiel des êtres humains, l’empathie. Les voix de synthèse, telles qu’on peut les entendre sur Alexa, Siri ou Google Assistant, manque clairement d’humanité et trahissent leur nature artificielle. Même si elles sont en permanence améliorées, elles ne parviennent pas à empêcher l’utilisateur de se retrouver dans la fameuse « uncanny valley », la vallée de l’étrange, qui traduit la sensation de bizarrerie l’on peut ressentir lorsque l’on a affaire à une machine tentant d’imiter l’être humaine.
2/ Tester, toujours tester
Les interfaces vocales et les applications vocales n’échappent pas aux recherches UX. Entre le moment où un parcours utilisateur est imaginé et celui où il est mis en oeuvre dans la réalité, il y a un monde qui toujours réserve des surprises désagréables. Plusieurs acteurs de la voix insiste sur cet aspect, notamment dans les outils d’accueil téléphonique : testez votre service et améliorez-le jusqu’à ce qu’il soit satisfaisant auprès d’un panel de testeurs avant de mettre en production.
3/ Être homogène
L’homogénéité est un des grands préceptes de l’ergonomie. Faire que la voix soit toujours la même quelque soit les canaux et les services est un point qui a été souvent mis en exergue (CACF, BPN).
Dans les grandes entreprises notamment, de nombreux département peuvent créer de la voix. Aujourd’hui, ces voix sont souvent créées de manières disparate, sans soucis d’homogénéité, ou sans rigueur par rapport à l’ADN de marque. Les voix de synthèse (comme évoquées plus haut), permettent à ses différentes équipes de bénéficier d’un référentiel unique (une sorte de Design System vocal en quelque sorte) permettant d’améliorer l’expérience client globale de la marque.
4/ Analyser les données
Comme pour tout ce qui est digital, le fait de mesurer ne doit pas être absent de la voix. Dans une démonstration d’un nouveau service vocal, Butagaz a démontré qu’il était important d’analyser les interactions vocales (en anonymisant les données) afin de les améliorer.
5/ La voix pour simplifier les interactions complexes
Les usages des interfaces vocales peuvent être extrêmement nombreux et il reste sans doute encore beaucoup de choses à inventer.
Mais ce qui est certain et comme il a été démontré par Newport IMS, la voix, contrairement à d’autres interfaces, peut permettre réellement de simplifier drastiquement des parcours utilisateurs en réduisant une commande à quelques mots permettant de réaliser plusieurs opérations imbriquées les unes dans les autres.
A retenir : une technologie innovante peut parfois résoudre des problèmes complexes d’interaction que l’écran, le clavier, la souris ou d’autres interfaces classiques ne peuvent résoudre.
6/ La conception user-centric doit diriger la conception du produit
Comme pour tous les sujets digitaux aujourd’hui, la réflexion de l’intégration de la voix doit partir absolument de l’étude des comportements humains et non pas de l’application d’une technologie dans un environnement humain sans connaissance réel des comportements.
Cela est ressorti de manière particulièrement pertinente, lors de l’intervention d’Omar Ben Abdelaziz, chef de projet chez Faurecia (équipementier automobile), chargé d’un projet de cockpit du futur pour les automobiles et qui a montré comment la voix (interface désormais incontournable dans les automobiles) pouvait être exploitée pour simplifier la vie des conducteurs, sans pour autant négliger la nécessité de tester en environnement grandeur nature les interactions IHM, à la fois pour valider des concepts, mais aussi pour en découvrir de nouveaux.
Quelques use-cases intéressants
Les réflexions que je vous ai poussées sortent tout droit des différentes interventions que j’ai pu voir. En voici un résumé :
Butagaz : de l’intelligence artificielle pour aider les conseillers téléphoniques à mieux comprendre l’état de l’interlocuteur
Le service client online de Butagaz est tout récent, et c’est cela qui a permis d’intégrer un service de réponse assisté par IA, l’objectif étant d’améliorer la qualité de l’accueil. Le point intéressant à retenir chez Butagaz, c’est le travail d’analyse des appels qui est réalisé en permanence et permet d’améliorer le service client.
Seules 2% des conversations sont analysées (ce qui est dû au temps nécessaire pour analyser une conversion, qui est très chronophage) d’après, à la fois un enregistrement audio et une retranscription écrite. Par respect de la RGPD, toutes les conversations sont automatiquement anonymisées et détruites (donc pas conservées pour d’autres usages).
Ce travail n’est que le point de départ pour un programme plus ambitieux qui devra à terme permettre :
* débarrasser les conseilleurs des demandes d’ordre administrative
* de les aider à mieux comprendre l’état émotionnel de leurs interlocuteurs pour mieux les guider
CNP Calldesk
CNP (assureur) utilise l’IA à la manière d’un service vocal classique, mais avec de meilleurs performances. Ainsi, depuis que le service a été mis en place :
* 100% des appels sont traités (alors qu’ils ne l’étaient pas du tout auparavant)
* la disponibilité est de 24h/24 pour les questions courantes
* l’orientation client s’est améliorée
CNP reconnait cependant qu’elle a du mal pour l’instant à mesurer la satisfaction utilisateur à cause d’un biais de confirmation. La qualité de la satisfaction client est notée au lieu de la qualité de l’expérience. Une réponse négative de CNP à une requête client génère une mauvaise notation.
Ci-dessous, un exemple de conversation sur le Calldesk de CNP.
CACF : création de voix synthétique
CACF a présenté sa nouvelle « voix », créée avec un partenaire technique. Le processus n’est pas anodin et représente au total 4 mois de travail, décomposé comme suit :
1- 3 ateliers pour créer un persona « voix »
2 – test réalisé avec des panels clients
3 – choix par clients et personnel interne
4 – travail de l’enregistrement de la voix : 5h/jour pendant 2 semaines. 6000 phrases sont enregistrées par un comédien.
5 – synthétisation
6 – création des messages
CACF souhaitait reprendre la voix de ses publicités, mais le coût du comédien était prohibitif. Elle a donc utilisé une voix se rapprochant de la pub.
A partir de la synthétisation de la voix, 500 messages ont pu être créés. Tous les messages de la société utilisent cette voix. Le projet a duré 4 mois
Résultats :
* création d’une identité vocale et amélioration de l’image de marque
* homogénéisation des messages
* amélioration des délais de prod de nouveaux messages (quasi instantané contre parfois 2 semaines)
* Voix devient propriété de la marque sans durée limitée
* Bien meilleure qualité audio : qualité studio vs qualité variable
* Utilisation possible sur d’autres supports
Newport IMS : ecosystème vocal pour les automobiles
Cette société a créé un assistant vocal universel (le Pad) pour les automobiles. Là aussi, des enseignements intéressants peuvent en être tirés dans le cadre de la conception d’un service innovant.
L’objectif de “Le Pad” est de permettre de simplifier les interactions de l’automobiliste avec son véhicule. Et cela peut aller très loin.
Ainsi, avec Le Pad, le paiement à la pompe devient presque aussi simple que de faire ses courses chez Amazon Go. Il suffit pour l’utilisateur muni du Pad de dire à sa voiture “Faire le plein pour 40l” et de mettre le tuyau dans son réservoir. Tout le reste, paiement, identification, mise en comptabilité (pour les pros), est rendu transparent pour l’utilisateur, grâce à l’interconnexion de 10 API de 10 fournisseurs de services.
J’ai retenu une phrase très intéressante : Rendre une expérience utilisateur aussi simple cache en réalité une extrêmement grande complexité technique et d’interconnexion de services. Cela permet de bien comprendre qu’il ne suffit pas d’avoir de bons UX designers pour réussir un service, mais aussi une étroite collaboration entre toutes les parties prenantes d’un projet pour arriver à produire de la simplicité. Ça n’est pas quelque chose que l’on voit souvent.
FAURECIA : le cockpit du futur
De loin, ma conférence préférée. Elle était présentée par Omar Ben Abdelaziz, ingénieur chez Faurecia (l’équipementier automobile).
Dans ce domaine où la sécurité est une priorité numéro un, la voix apporte des solutions inespérées en terme d’interaction. Mais comme la bien souligné Omar Ben Abdelaziz, pas en partant de la technologie et en essayant de la mettre à toutes les sauces, mais bien en étudiant l’utilisateur au plus près pour parvenir à la vraie création de plus-value pour l’utilisateur.
Il est vraiment enthousiasmant de voir que dans les laboratoires de recherche de Faurecia, c’est bien la conception centrée utilisateur qui domine. Et ça devrait être une bonne source d’inspiration pour tous les UX designers dans tous les domaines.
Ci-dessous, un focus group chez Faurecia qui montre comment sont conçus les cockpits du futur de l’automobile en partant de l’utilisateur.